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Allien's work

Publié le par Renaud

Allien's work

Aller voir ailleurs. Aller voir ce qui se trouve derrière la colline, insatiable curiosité, besoin d'ailleurs inassouvi. Depuis toujours l'espèce humaine se fait fort d'aller poser son empreinte aux quatre coins de la planète.  Il semble que cela soit également inscrit dans mon ADN.
En ce dimanche pluvieux, mes envies d'ailleurs forment une longue file d'attente. S'adressant directement aux arcanes de mon cerveau, elles scandent à l'unisson : "quand est ce que l'on part ?"

Ce sera le nord. Là où les châteaux se comptent par centaines, là où les spots ne manquent pas.... je veux pouvoir le vérifier par moi-même. Me voilà donc parti pour une longue série "urbexnord". Ciel bas, température négative, brouillard et ambiance sinistre ne me feront point défaut. Pendant quatre jours je vais alternativement traverser des champs à perte de vue et des villages où il semble que personne n'y soit passé depuis des lustres. J'y ferais quelques poses alimentaires, un café au bar des chasseurs. Les gens y vivent hors du temps, presque coupé du monde. La France profonde n'a visiblement besoin de personne pour vivre paisiblement et sans le moindre stress. Loin du bourdonnement des grandes villes, totalement hermétique aux sirènes citadines. Ils vivent.... heureux... tout simplement. Je n'irais certes pas m'y installer, pas même pour tous les spots du monde, mais je dois bien avouer que je m'y suis senti bien. L'ambiance reposante doit bien y être pour quelque chose.

Allien's work

Une usine. Faire autant de kilomètre et commencer par de "l'indus", il y a certainement mieux me direz-vous... Oui, mais il s'agit là d'une "usine du nord", Grise, froide et triste.... les composants d'une exploration urbaine à la sauce monochrome.

Une longue nationale longe le grillage de l’immense sidérurgie. Pas de place pour un trottoir, je marche sur le nomads'land laissé vacant entre le grillage et le bitume et, ici comme ailleurs Il semble qu' un humain reste un humain. Petit con du nord ne vaut pas mieux que petit con du sud. Il jette ses canettes, ses mouchoirs, ses paquets de clopes et ainsi de suite jusqu’à la couche bien garnie du dernier né.
Une fois à l’intérieur de l'enceinte il ne me reste plus qu'à trouver l’accès. Un tour complet autour du bâtiment, puis deux, puis trois et..... et le mauvais sentiment commence sournoisement à m'envahir. Le doute qui quelques minutes encore n'était qu'un sombre mirage passant à vitesse grand V dans un recoin de mon cerveau est totalement installé désormais. Je reste planté dans le froid sans trouver le moindre accès.
"Tu longes le caniveau, tu soulèves la trappe et tu passes par le sous-sol".
Ma mémoire fonctionne par intermittence. Absolument imprévisible, elle fait parfois des apparitions au moment ou je ne m'y attends plus. Elle aura eu ce jour-là la délicatesse de venir à mon secours pour m'extraire de cette infinitude perdition. Elle me mit sur la voie de la trappe via laquelle je vais pouvoir infiltrer le tabernacle.

Allien's work

Voilà une entrée que je ne suis pas prêt d'oublier. Plongé dans le noir, les cinq milles lumens de ma lampe frontale me donnent une idée précise de ce qui m'attend. Une sorte de vide sanitaire qui m'empêche de me tenir debout. Tuyaux et ferrailles rouillées freinent ma progression et m'obligent à faire demi-tour régulièrement. Ils sont là, prêts à me présenter  une lourde facture médicale au moindre faux pas. Je passe par-dessus des bassins de rétentions remplis d'une eau croupissante et nauséabonde. L'atmosphère est malsaine.
Au hasard, sans même savoir si je me trouve sur la bonne voie, je tourne en rond, je m'impatiente. Un mur de plus à enjamber et un énième cul de sac poussent mes nerfs dans leurs derniers retranchements.. Mes bas instincts font remonter quelques vieilles formules grammaticales qu'il n'est pas nécessaire de citer ici.
Voilà bien une demie heure que j'enjambe et que je lutte contre "tuyaux land" ou toute la gamme des coudes, vannes et autres raccords y est largement représentée. Un plombier digne de ce nom n'y entrerait pas sans esquisser un sourire de satisfaction. J'ai besoin de souffler.
Assis dans la pénombre, je regarde disparaitre les volutes de fumées s'échappant de ma cigarette. La sueur coule le long de mon front, la poussière, les toiles d'araignées et l'odeur de moisissure me colle à la peau. Je me sens sale. Heureusement je n'ai prévu de croiser personne au cours des quatre prochains jours. Juste moi, mes idées de photos, mes visites, le silence et le soir venu, une forêt pour passer la nuit. Je ne déteste pas mes semblables mais je préfère la nature.

En bas à droite, le passage par le quel je vais accéder au reste de tout le bâtiment.

En bas à droite, le passage par le quel je vais accéder au reste de tout le bâtiment.

Depuis dix bonnes minutes je laisse aller mes pensées. J'ai tout mon temps, aucune horaire à respecter. Être libre c'est posséder le temps (S Teysson).  Je n'entends rien d'autre que l'écho d'une goutte d'eau qui vient finir sa course dans l'un des bassins. A peine a-t-elle touché la surface qu'une deuxième, une troisième, une .... et ainsi de suite "jusqu'à toujours". Les questions fusent : vais-je devoir retourner d’où je viens ? renoncer si facilement ? Bien sûr que non. Les autres urbexeurs ont certainement rencontré les mêmes difficultés et que je sache, ils n'ont pas renoncé.
A force de fouiner, je fini comme par magie... ou plutôt par hasard, par tomber sur l’accès qui me mène dans le seul et unique bâtiment.

Allien's work
Allien's work

Je peux enfin respirer, redresser mon dos et admirer cet endroit. Le bâtiment est immense et mon premier reflex est de lever les yeux au plafond pour mieux me rendre compte de sa hauteur vertigineuse. Chacun de mes pas est amplifié par la réverbe naturelle du lieu. Le silence est le seul maitre des lieux, il règne ici depuis presque 30 ans, depuis ce triste jour ou le contremaître arrêta la dernière machine. 
J'imagine sans peine la détresse des employés, le choc psychologique et le début d'un stress qui deviendra leurs quotidiens, celui du demandeur d'emplois, celui du chef de famille prêt à accepter n'importe quel boulot pour remplir le frigo. Une régression sociale programmée.
Toutes les machines sont encore là, tout est absolument intacte. Si le courant venait à être rétabli là, maintenant, est ce que tout repartirait ?

Allien's work

Le sentiment qui prédomine et celui de se sentir immensément petit face à la taille de cet endroit. Il n'y a bien que dans le cube ( http://www.urbexsud.com/2015/11/le-cube-2.html ) que j'avais ressenti cela. Peut importe les époques, l'homme a ce besoin de faire les choses en grand, faire les choses pour les détruire en suite. Le sol est recouvert d'un revêtement imitant les tomettes en terre cuite d'antan. Deux escaliers en pierres mènent à une sorte de balcon ou se trouve ce qui semble être le poste de commande. Celui qui en avait la charge avait une vision parfaite sur tout ce qui se passait en bas. 
L'odeur est celle du métal rouillé, de l'huile de vidange et du renfermé. Je fais le tour de toutes les machines qui sont elles aussi démesurées. J'accède au sous-sol ou là aussi tout est en place. Dans une arrière salle je trouve un panneau indiquant les mesures à suivre en cas d'accident.

"Soins aux électrisés". L'intitulé ne présage rien de bon et laisse planer un petit rien de cause perdue... Mais pour être dans les normes il faut que le panneau soit bien visible de tous. La commission d'hygiène et sécurité, les organisations syndicales et le pape lui-même l'exige... alors mettons bien notre petit panneau pour ne pas avoir d'ennuis. Il est même surprenant que la direction n'est pas pris la liberté d'y ajouter une petite cocarde bleu blanc rouge, ce qui apporterait un petit côté solennel à tout ça.
Mesquinerie patronale qui de toute évidence n'avait pas vocation à passer des heures sur le sujet, être dans les règles administratives certes mais guerre plus... La rentabilité et rien d'autre. Pour la sécurité et la santé des hommes une simple affichette fera bien l'affaire...

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Ma visite se poursuit comme elle a commencé, dans le calme... voilà bien le qualificatif le plus approprié pour définir ce lieu. En dehors de la salle principale, le reste du bâtiment ne présente rien d'extraordinaire.
Quelques semaines après cette visite, je constaterais avec amertume en fouinant sur le net, que j'ai quand même réussi à louper le "vestiaire"...  avec tous ses casiers encore numérotés, une photo que j'aurais souhaité faire... tant pis ...
Dehors, il fait toujours aussi froid, aussi gris. Le reste du site est ouvert à la visite moyennant finance. J'imagine que le bâtiment que je viens de visiter est appelé au même usage dans un futur proche. Il remplira son devoir de mémoire encore quelques années et finira par fermer ses portes définitivement faute de rentabilité. Un promoteur rasera tout et  y fera construire des logements sociaux. L'histoire est toujours la même...

Une clope, la voiture, le chauffage... en route.

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A
bien le reportage !! a refaire avec une meilleure météo (( si si !! ça arrive !! ) et couleurs avec le soleil filtré par les verrières ! <br /> A quand une visite dans dans la mine ?
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